BARRY BAILEY, UN TALENT MÉCONNU

Le 12 mars 2022, un guitariste génial s’éteignait dans l’anonymat le plus total. Son nom était pratiquement inconnu du grand public et cette triste nouvelle n’a affecté qu’une toute petite minorité de connaisseurs. Et pourtant, il avait enjolivé les plus belles chansons de l’Atlanta Rhythm Section avec sa guitare magique. Mais comme il restait discret sur scène et ne jouait pas au guitar hero, il n’a pas eu l’attention qu’il aurait méritée. En plus, son groupe n’a pas eu de réel succès à l’échelle internationale. Alors, quoi de plus normal que l’annonce de son décès n’ait pas eu d’impact dans le monde de la musique. Encore un héros oublié du Rock’n’roll dont le talent était inversement proportionnel à la notoriété.

Mais si Barry Bailey n’a pas marqué les mémoires en concert, ses solos flamboyants restent immortalisés sur les disques de l’A.R.S. ainsi que sur beaucoup d’autres albums en tant que « sessionman » (entre autres quelques disques de Mylon LeFevre et d’Al Kooper mais aussi l’album « Rainbow » de Johnny Cash avec son pote JR Cobb).

Barry Bailey naît le 12 juin 1948 dans la ville de Decatur en Géorgie.

Si l’on ne connaît pratiquement rien de sa jeunesse, on sait en revanche qu’il commence sa carrière musicale au début des années soixante. Il joue dans divers groupes comme The Imperials, The Vons ou bien Wayne Loguidice and the Kommotions. Il intègre le fameux Studio One en tant que guitariste de session. Il connaît déjà quelques uns des musiciens qui constitueront plus tard l’Atlanta Rhythm Section et il en rencontre d’autres.

Comme ses compères, il préfère l’ambiance calme et feutrée des studios d’enregistrement à la scène et aux tournées. Et comme eux, il finit par se laisser convaincre devant les arguments du producteur Buddy Buie qui pense qu’ils ont tous les atouts nécessaires pour réussir dans la musique. L’histoire de l’Atlanta Rhythm Section est lancée !

Avec ses copains, Barry partagera la scène avec des grandes vedettes (Bob Seger, Foreigner, les Who, les Rolling Stones, Aerosmith). Le groupe jouera même à la Maison Blanche en 1977 pour l’anniversaire du fils du président Jimmy Carter.

Barry connaîtra le déclin de l’A.R.S. et il quittera le combo en 1985 pour le réintégrer en 1989. Il prendra sa retraite en 2006 pour raisons de santé (Barry luttera jusqu’à sa mort contre une sclérose multiple qui lui handicapait notamment les mains).

En 2009, il retourne à Decatur et la municipalité lui remet les clés de la ville. Le 19 juin 2009 est instauré le Barry Bailey Day.

Le 12 mars 2022, Barry décède dans son sommeil à l’âge de soixante treize ans.

Comme tous les grands guitaristes, Barry se reconnaissait à son style personnel, à sa technique consistant à faire ressortir les harmoniques et à sa sonorité délicatement saturée.

Si son complice JR Cobb disait que ses propres influences venaient de la country music, il affirmait que celles de Barry trouvaient leurs racines dans le jazz. On le croit volontiers quand on écoute « Angel », cette superbe chanson fourmillant d’accords compliqués mais qui s’imbriquent très bien ensemble.

Jeff Carlisi, un des guitaristes de 38 Special, se rappelle une soirée au club Funochio’s. Lynyrd Skynyrd y jouait et le groupe en était à ses débuts. Barry est venu les rejoindre pour jammer avec eux et Jeff ne s’en est jamais remis. Il n’avait jamais entendu quelqu’un jouer de cette façon.

Bien sûr, outre sa technique personnelle et son phrasé harmonieux, Barry devait beaucoup à sa guitare. Une Les Paul Deluxe Goldtop de 1969, surnommée « Reb » par un des roadies de l’A.R.S. (sans doute pour « rebel »). La particularité de cette guitare résidait dans ses micros (des minis humbuckers) et dans son corps en bois mahogany taillé d’une seule pièce.

Au départ, Barry jouait sur une Telecaster et une Les Paul Junior. Mais la Telecaster n’était pas polyvalente et la Junior ne tenait pas l’accordage. Son pote JR Cobb possédait une Les Paul Deluxe car il avait emprunté une fois celle de Joe South et trouvait le son accrocheur. Un jour, Barry lui emprunte la Deluxe pour une session. Quelques heures après, il lui propose de l’acheter. JR accepte car il a déjà en vue l’acquisition d’une Stratocaster. Barry ne quittera plus sa Deluxe.

Au cours de sa carrière avec Atlanta Rhythm Section, Barry cosignera un nombre honnête de titres (même si beaucoup de compositions étaient signées Buddy Buie et JR Cobb).

Dès le premier album, son nom est crédité pour les chansons « Baby no lie », « Earnestine », « Days of our lives » et « One more problem ». Sur le disque « Third annual pipe dream », il cosigne « Jesus hearted people », « The war is over » mais surtout « Doraville » et « Angel » (deux titres importants dans la carrière de l’A.R.S.).

Son patronyme réapparaît sur les albums « Dog days » (pour « Boogie smoogie » et « Silent treatment ») et « Red tape » (« Oh what a feeling »).

Si Barry n’est pas mentionné sur le disque « A rock’n'roll alternative », il se rattrape largement avec le suivant « Champagne jam » (le très rock « Large time », « The ballad of Loïs Malone » et « « The great escape »).

Après le morceau « While time is left » (sur « Underdog »), son nom disparaît des compositions.

Mais qu’il participe à l’élaboration de titres ou qu’il se contente de suivre ses compagnons, Barry reste le pilier de l’A.R.S. avec sa guitare magnifique.

Bien sûr, JR Cobb n’est pas un manchot et il peut s’éclater sur une gamme de blues, sur une descente country ou bien en slide. Cependant, la majeure partie des solos est assurée par Barry qui ne se met jamais en avant et joue d’abord pour la chanson. Il semble qu’il tape toujours dans le mille même avec quelques notes seulement. Voici quelques exemples.

Sur « Angel », il envoie un solo subtil, sans démonstration technique inutile, tout en restant suffisamment costaud. À la fin, on peut entendre sa marque de fabrique avec ses harmoniques pincées.

Barry fait naître l’émotion avec quelques belles phrases de guitare à la fin d’« Imaginary lover ». On se rend également compte de sa musicalité et de son talent à l’écoute du solo très mélodique d’« Alien », morceau sur lequel on peut encore entendre sa technique particulière consistant à faire ressortir les harmoniques (tout comme sur la fin de « You’re so strong »).

Barry savait aussi balancer du lourd quand il le fallait (la rythmique incroyable de « Large time » et le court solo très rock de « Homesick »).

Et s’il n’était jamais dans la démonstration technique, il avait quand même de la vitesse en réserve comme le prouve son solo hallucinant de vélocité à la fin de « So into you ». Cette chanson témoigne d’ailleurs du professionnalisme de Barry car (selon Buddy Buie) il a fallu huit pistes pour sa guitare afin d’assurer plusieurs harmonies et des parties à l’octave.

Mais le meilleur exemple du talent de Barry réside peut-être dans le sublime solo de « Sky high » uniquement accompagné par quelques accords de piano. Tout y est ! La subtilité du jeu, le sens de la mélodie et de la musicalité. Et cette saturation veloutée, légèrement enrobée d’un écho discret. Le son et le style de Barry Bailey ! Même si toutes ses interventions ont toujours été inspirées, s’il n’y avait qu’un solo à retenir de ce superbe guitariste, ce serait sans doute celui-là.

Maintenant, Barry est parti très haut dans le ciel pour rejoindre la quasi-totalité de l’Atlanta Rhythm Section. Les étoiles vont sans doute danser sur le fameux Georgia Rhythm.

Sky High Forever !

Olivier Aubry

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